mercredi 5 septembre 2012

L'UNIVERS de "TERRE D'ENFANCE"/ 8 - : les livres...encore...

La nature, la culture, l'enfance en abondance :

moins important dans mes lectures d'enfance que "Le Grand Meaulnes" mais très marquant, voici des extraits de ce livre magique "Tistou les pouces verts" de Maurice Druon:

Tistou est le fils d'un riche fabricant de canons. Il vit heureux dans la Maison-qui-brille. Parce qu'il s'endort en classe, ses parents décident de l'envoyer s'instruire auprès des grandes personnes, c’est à dire dans le jardin.

Lisez l'avant-propos de Maurice Druon, reproduit sur le blog suivant :

"- Mais puisqu'on n'avait pas mis de graines, Monsieur Moustache, d'où viennent ces fleurs ? - Mystère... mystère..., répondit Moustache. Puis, brusquement, il prit entre ses mains rugueuses les petites mains de Tistou, en disant :
 - Montre-moi donc tes pouces ! Il examina attentivement les doigts de son élève, au-dessus, au-dessous, dans l'ombre et dans la lumière.
 - Mon garçon, dit-il enfin après mûre réflexion, il t'arrive une chose aussi surprenante qu'extraordinaire. Tu as les pouces verts."M


a

"Le docteur Mauxdivers montra à Tistou la salle où l'on préparait les petites pilules roses contre la toux, la pommade jaune contre les boutons, les poudres blanches contre la fièvre. Il lui montra la salle où l'on peut regarder à travers le corps de quelqu'un, comme à travers une fenêtre, pour voir où la maladie se cache, et aussi la salle, avec des miroirs au plafond, où l'on guérit l'appendicite et tant de choses qui menacent la vie. 
"Puisque ici l'on empêche le mal de passer, tout devrait sembler gai et heureux, se disait Tistou. Où se cache donc cette tristesse que je sens?..." 
Le docteur ouvrit la porte de la chambre qu'occupait la petite fille malade. 
- Je te laisse, Tistou, tu viendras me retrouver tout à l'heure dans mon bureau, dit le docteur Mauxdivers. 
Tistou entra. 
- Bonjour, dit-il à la petite fille malade. Elle lui parut très jolie, mais bien pâle. Ses cheveux se déroulaient, noirs, sur l'oreiller. Elle avait à peu près le même âge que Tistou. 
- Bonjour, répondit-elle poliment, sans bouger la tête. 
Elle regardait fixement le plafond. 
Tistou s'assit auprès du lit, son chapeau blanc sur les genoux. 
- Le docteur Mauxdivers m'a dit que tes jambes ne marchaient pas. Vont-elles mieux depuis que tu es ici? 
- Non, répondit la petite fille toujours aussi poliment; mais cela n'a pas d'importance. 
- Pourquoi? demanda Tistou. 
- Parce que je n'ai nulle part où aller. 
- Moi, j'ai un jardin, dit Tistou pour dire quelque chose. 
- Tu as de la chance. Si j'avais un jardin, peut-être aurais-je envie de guérir pour aller m'y promener. 
Tistou aussitôt regarda ses pouces. "S'il n'y a que cela pour lui faire plaisir..." 
Il demanda encore: 
- Tu ne t'ennuies pas trop? 
- Pas trop. Je regarde le plafond. Je compte les petites fentes qu'il y a dedans. "Des fleurs, ce serait mieux", pensa Tistou. Et il de mit à appeler intérieurement: "Coquelicots, coquelicots!... Boutons d'or, pâquerettes, jonquilles!" 
Les graines entrèrent sans doute par la fenêtre, à moins que Tistou ne les ait apportées sous ses chaussures. 
- Tu n'es pas malheureuse, au moins? 
- Pous savoir si on est malheureux, répondit la petite fille, il faut avoir été heureux. Moi je suis née malade. 
Tistou comprit que la tristesse de l'hôpital se cachait dans cette chambre, dans la tête de cette petite fille. Il en devenait tout triste lui-même. 
- Tu reçois des visites? 
- Beaucoup. Le matin, avant le petit déjeuner, je vois la soeur-thermomètre. Et puis le docteur Mauxdivers vient; il est très gentil, il me parle très doucement et il me donne un berlingot. A l'heure du déjeuner, c'est le tour de la soeur-pilules; puis avec mon goûter, je vois entrer la soeur-aux-piqûres-qui-font-mal. Et après vient un monsieur en blanc qui prétend que mes jambes vont mieux. Il les attache avec des ficelles pour les faire bouger. Tous, ils disent que je vais guérir. Mais moi je regarde le plafond; lui, au moins, il ne me raconte pas de mensonges. 
Tandis qu'elle parlait, Tistou s'était levé et s'affairait autour du lit. 
"Pour que cette petite fille guérisse, il faut qu'elle ait envie de voir un lendemain, c'est clair, songeait-il. Une fleur, avec sa manière de se déplier, de ménager des surprises, pourrait sûrement l'aider. Une fleur qui pousse, c'est une vraie devinette, qui recommence tous les matins. Un jour elle entrouvre un bouton, le jour d'après elle défroisse une feuille verte comme une petite grenouille, et puis après elle déroule un pétale... A attendre chaque jour la surprise, cette petite fille oubliera peut-être sa maladie... 
Les pouces de Tistou ne chômaient pas. 
- Moi, je crois que tu vas guérir, dit-il. 
- Toi aussi tu le crois? 
- Oui, oui, je t'assure. Au revoir. 
- Au revoir, répondit la petite fille malade. Tu as bien de la chance d'avoir un jardin. 
Le docteur Mauxdivers attendait Tistou derrière son grand bureau nickelé, encombré de gros livres. 
- Alors, Tistou, demanda-t-il, qu'as-tu appris aujourd'hui? que sais-tu de la médecine? 
- J'ai appris, répondit Tistou, que la médecine ne peut pas grand-chose contre un coeur triste. J'ai appris que pour guérir il faut avoir envie de vivre. Docteur, est-ce qu'il n'y a pas de pilules pour donner de l'espoir? 
Le docteur Mauxdivers fut étonné de trouver tant de sagesse chez un si petit garçon. 
- Tu as appris tout seul, dit-il, la première chose que doit savoir un médecin. 
- Et la seconde, docteur? 
- C'est que pour bien soigner les hommes, il faut les aimer beaucoup. 
Il donna toute une poignée de berlingots à Tistou et mit une bonne note sur son carnet. 
Mais le docteur Mauxdivers fut encore bien plus étonné le lendemain, lorsqu'il entra dans la chambre le la petite fille. 
Celle-ce souriait; elle s'était réveillée en plein champ. 
Des narcisses poussaient autour de la table de nuit; la couverture était devenue un édredon de pervenches; de la folle avoine moussait sur la carpette. Et puis la fleur, la fleur à laquelle Tistou avait donné tous ses soins, une rose merveilleuse, qui ne cessait de se transformer, d'épanouir une feuille ou un bourgeon, la fleur montait à la tête du lit, le long de l'oreiller. La petite fille ne regardait plus le plafond; elle contemplait la fleur. 
Le soir même, ses jambes commencèrent à remuer. La vie lui plaisait." ""un

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