jeudi 24 octobre 2013

"POÈME À CRIER DANS LES RUINES"


" Tout est près.
 Les pires conditions matérielles sont excellentes.
 Les bois sont blancs ou noirs. On ne dormira jamais."
( André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924.)

« Le désespoir n’existe pas pour un homme qui marche, à condition vraiment qu’il marche, et ne se retourne pas sans arrêt pour discutailler avec l’autre, s’apitoyer, se faire valoir. Longtemps l’autre en effet vous écoute et paraît vous donner raison. Et puis avec son air inoffensif et navré de victime, tôt ou tard il vous coince et vous accroche au premier clou. C’est pourquoi je vais vite et droit devant moi vers la rase campagne à fourrés qui règne autour des Invalides. Déjà rue de Babylone il arrive qu’on croise un lapin. Des cloches tintent derrière les gros murs que j’effleure au passage ; leur contact me soulage et me dispose à réfléchir. Mais réfléchir à quoi quand le ciel se bouscule du fond des plaines, et que le vent cogne dans la figure avec sa charge de terre molle et froide comme un croquenot ? Je rentre. Il y a des œufs, du fromage, du vin, beaucoup de disques où, grâce à des boutons, on peut mettre en valeur la partie de la contrebasse. Ainsi je continue d’avancer, pizzicato. Est-ce que je suis gai ? Est-ce que je suis triste ? Est-ce que j’avance vers une énigme, une signification ? Je ne cherche pas trop à comprendre. Je ne suis plus que la vibration de ces cordes fondamentales tendues comme l’espérance, pleines comme l’amour. »

Les Ruines de Paris
Jacques Réda

Ruines du mont Palatin par Rubens

Sacrés coteaux, et vous saintes ruines

Sacrés coteaux, et vous saintes ruines,
Qui le seul nom de Rome retenez,
Vieux monuments, qui encor soutenez
L'honneur poudreux de tant d'âmes divines :

Arcs triomphaux, pointes du ciel voisines,
Qui de vous voir le ciel même étonnez,
Las, peu à peu cendre vous devenez,
Fable du peuple et publiques rapines !

Et bien qu'au temps pour un temps fassent guerre
Les bâtiments, si est-ce que le temps
Oeuvres et noms finablement atterre.

Tristes désirs, vivez doncques contents :
Car si le temps finit chose si dure,
Il finira la peine que j'endure.
Joachim DU BELLAY   (1522-1560)
Hubert Robert Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines

 Dessins de Victor Hugo la Mer Paris
Je vous aime, ô débris! et surtout quand l’automne
Prolonge en vos échos sa plainte monotone.
Sous vos abris croulants je voudrais habiter,
Vieilles tours, que le temps l’une vers l’autre incline,
Et qui semblez de loin, sur la haute colline,

Deux noirs géants prêts à lutter.
Lorsque, d’un pas rêveur foulant les grandes herbes,
Je monte jusqu’à vous, restes forts et superbes!
Je contemple longtemps vos créneaux meurtriers,
Et la tour octogone et ses briques rougies;
Et mon œil, à travers vos brèches élargies,
Voit jouer des enfants où mouraient des guerriers.(...)

 Victor HUGO, Aux Ruines de Montfort l'Amaury

Dessin de Victor Hugo (1871)




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